Dans l'idée d'associer mes pratiques d'intelligence stratégique avec la notion d'agilité, je suis récemment tombé sur un article de Nicolas Moinet publié en son temps dans le magazine Vie & Sciences de l'entreprise (2007/1-2 (N° 174 - 175) - https://tinyurl.com/y4ebp2qj). Sous le titre "L'agilité stratégique: une question de dispositif intelligent", l'auteur confronte le couple agilité/paralysie à la boucle OODA (Observation – Orientation – Décision – Action) souvent présentée comme à la base du cycle du renseignement, socle de nombreuses théories d'intelligence économique.
Pour le coup, même si je trouve la réflexion sur le fond assez intéressante, je dois à la vérité que cet article ne m'a pas vraiment réconcilié avec la boucle du cycle du renseignement, et plus particulièrement cette notion de cycle, cette idée que la fin d'une itération est forcément le début d'une autre. Ce qui me gêne, ce sont des affirmations péremptoires comme celle-ci: "Pour espérer atteindre une certaine maîtrise de l’information stratégique, c’est-à-dire pour que l’information utile soit obtenue dans les meilleures conditions de délai, de qualité et de coût, il est nécessaire que les actions de recherche, de traitement et de diffusion, au sein d’une organisation, s’ordonnent en un cycle ininterrompu." Outre que cette affirmation me semble ignorer la loi de Nolan (de l'impossibilité de toucher trois cibles -les meilleures conditions de délai, de qualité et de coût - avec deux flèches - Pour éviter le syndrome de syllogomanie (l'autre nom de l'infobésité?) - https://tinyurl.com/y3jfkdgf), l'idée d'un cycle un cycle ininterrompu me semble contraire aux réalités de terrain. Alors, oui, bien sûr les résultats d'une itération OODA peuvent en alimenter une nouvelle, mais cette occurrence ne peut se répéter à l'infini. On me rétorquera alors que cela dépend du niveau systémique de réflexion. Sans doute, mais quand même...
Dans mon esprit, les missions d'intelligence économiques devraient plutôt s'envisager comme des projets, avec un objectif (une décision à prendre), des ressources disponibles et un cadre temporel (un début et une fin). On a alors trois cibles (la meilleure qualité, le plus vite, le moins cher) mais on ne peut activer que deux leviers (il n'est pas possible de trouver la meilleure information très vite pour un coût dérisoire...) Et l'activité "IE" d'une organisation va donc prendre la forme d'une succession de projets avec des degrés d'indépendance divers, pouvant parcourir chacun plusieurs boucles OODA, peut-être jusqu'à en avoir plusieurs simultanément en parallèle. Ce qui pourrait justifier de la mise en place d'une cellule dédiée...
Pour reprendre un des exemples de Nicolas Moinet, celui des attentats du 11 septembre, on pourrait aussi arguer qu'une des erreurs de la CIA a été la gestion d'un cycle OODA permanent sans remise en question des hypothèses de base, mais peut-être biaisé par la pratique que François Jeanne-Bélot se plaît à fustiger (chercher des informations sous un réverbère parce que là, au moins, c'est éclairé...) Une telle interrogation aurait alors été une rupture du cycle par la proposition d'une nouvelle question, un nouvel objectif... Mais tout ceci n'est que conjecture.