Hier soir, à la télé, j'ai entendu quelque chose de surprenant. Enfin, surprenant pour quelqu'un comme moi, un professionnel de la réflexion sur les modèles d'affaires. La parole était donnée à un grand cuisinier, multi-étoilé, qui réagissait à la décision française d'imposer un couvre-feu dans les grandes villes, qui le coupe des services du soir. Il évoquait les difficultés auxquelles il allait devoir maintenant faire face, en plus de tous les efforts déjà consentis par la corporation. Et il a eu cette affirmation étonnante: "Pour faire face à cette situation, nous avons été créatifs. Nous avons décidé d'ouvrir le samedi et le dimanche..."
Je ne doute pas que cette décision, d'ouvrir le WE, puisse être un challenge. Ce qui retient mon attention, dans cette tentative de pivot, c'est le manque de réflexion. Elle donne l'impression que ce cuisinier a sauté sur une des premières idées, une des plus évidentes. A priori. Un peu comme tous ces restaurateurs qui au début de la pandémie se sont lancés, sans trop de réflexion, ni de préparation, sur la livraison à domicile. Bien sûr, cette évolution de l'offre semble pertinente, réaliste, accessible à tous les acteurs. Mais à l'analyse, ou à l'expérience, il apparaît assez rapidement qu'une telle modification de la manière de travailler, même légère, peut entraîner des modifications profondes du modèle d'affaires. Et donc, rapidement, on a vu bon nombre de restaurants faire machine arrière et quitter le domaine du take-away.
Dans son récent article (Business Harvard Review - 7 juillet 2020 - How Businesses Have Successfully Pivoted During the Pandemic - https://tinyurl.com/y9hoztb4) Mauro F. Guillén nous parle justement de stratégies de pivotage mises en œuvre par des certaines entreprises. Il évoque d'ailleurs quelques pivots moins évidents pour les restaurateurs.
Pivoter, à priori, c'est bien. En première analyse, cela semble une excellente décision. Evidente. Mais malgré tout, la véritable question est celle de l'opportunité de ce pivot. Je n'ai bien sûr pas de réponse à cette question. Elle dépend de tant de paramètres, spécifiques à chaque acteurs. Par contre, ce que je peux dire, c'est que rares sont les entrepreneurs, surtout parmi les plus petits, qui ont le temps, l'énergie et les compétences pour mener cette réflexion en autonomie. A ceux-là, je recommande chaudement de se faire accompagner pour étudier leur situation et envisager les pistes qui s'ouvrent à eux, les plus évidentes comme les plus surprenantes. Les décisions n'en seront que plus rapides, plus pertinentes, plus rentables...