Il me semble toujours intéressant de relire d'anciens documents, rédigés par soi-même ou sur un sujet que l'on maîtrise correctement. D'autant plus intéressant que ces documents proposent des analyses, des interprétations ou encore un des regards sur l'avenir. En effet, l'analyse des écarts entre les réalités au moment de cette relecture et les projections d'alors, sans volonté aucune de fustiger les inévitables imperfections, peut nous permettre d'améliorer la qualité de nos analyses et autres interprétations. c'est ce que j'ai éprouvé à la lecture de l'analyse des résultats/acquis du programme d'accompagnement à la découverte et mise en place de l'intelligence stratégique proposé aux PME wallonnes par (feu) l'ASE. Cette analyse, publiée en août 2015, dans un document titré "
Aider les PME à prendre leur envol en matière d’Intelligence Économique: leçons des recherches sur l’attitude des dirigeants face aux politiques publiques" est de la plume de Sophie Larivet, qui a travaillé sur le sujet m'intéresse d'autant plus que c'est le programme dans le cadre duquel j'accompagne les PME liégeoises depuis 8 ans (
https://tinyurl.com/y6pg28o4).
Un premier constat, qui est surtout une confirmation, est de bien choisir le niveau systémique de la réflexion. Difficulté persistante, du reste. Ainsi, les dimensions d'analyse proposées pour les Attitudes des PME Wallonnes, menaces et opportunités pour les programmes d'intelligence stratégique (tableau 1.), à savoir les menaces et opportunités liées aux dimensions cognitives, affectives et comportementales. Les menaces et opportunités proposées sont certes intéressantes et cette liste aurait aujourd'hui encore les même qualités. Sauf que l'expérience de terrain montre que ce ne sont que des éléments de "second niveau". Dans les faits, l'intérêt pour des pratiques comme l'intelligence stratégique ne naît que d'une insatisfaction, que de la difficulté à remplir les objectifs que les entrepreneurs se sont fixés. En d'autres termes, les entrepreneurs qui ont une oreille attentive aux discours liés à l'IS sont soit ceux qui ont des objectifs ambitieux, et qui se demandent comment y arriver, soit ceux qui rencontrent des difficultés opérationnelles auxquelles les solutions "classiques" n'ont pas apporté de solution.
Cette différence systémique explique, à mon sens, les piètres résultats des actions de communication mis en oeuvre. Elle explique également que "les 20% des dirigeants se disant intéressés par une formation diplômante en IS" ne se sont finalement pas inscrits aux formations proposées. Leurs ambitions, ou leurs difficultés, n'ont pas été de nature à faire naître des besoins/insatisfactions particuliers auxquels l'IS aurait pu répondre...
Un autre constat est relatif au danger d'analyser des situations dans d'autres référentiels culturels avec son schéma de pensée. C'est ce qui se cache derrière l'affirmation "... de façon surprenante au regard de la proximité géographique, économique et linguistique avec la France, la confusion avec l'espionnage économique n'y existe pas." Je peux rassurer Sophie Larivet, les ferments de la confusion sont bien là, mais il n'y a pas en Belgique la même urgence qu'en France, d'assurer un quelconque leadership mondial. L'IS wallonne n'a que très peu de vue territoriale et les responsables politiques wallons ne ressente que peu d'intérêt à défendre des grands leaders technologiques, pour le moins assez rares en Wallonie.
Ces quelques petits exemples pour rappeler à ceux qui s'expriment, qui publient, qu'il faut être conscient que la simplification des raisonnements et que certaines conclusions hâtives peuvent biaiser les compréhensions et les plans d'actions qui pourraient être mis en place. Pour rappeler aussi aux lecteurs qu'il ne faut pas prendre pour argent comptant les analyses proposées par ceux qui prennent la parole, quand bien même ils auraient tous les attributs de compétences...