C'est peu de dire que la problématique des fake-news est en tête de gondole depuis quelques temps. C'est sans doute la raison pour laquelle une lettre d'information spécialisée dédiée "aux sources d'informations stratégiques" vient de consacrer l'entièreté d'un récent numéro à la question. On les avait déjà connus plus inspirés... Mais à leur décharge, leurs propos et positions sont en ligne avec les discours communs. Les auteurs nous recommandent donc, dans une démarche de qualification de l'information, de prendre en compte de trois aspects distincts:
- le contenu et l'information
- l'émetteur (l'auteur de l'article)
- la source (qui a rendu l'article public)
La supercherie, elle commence là! Outre que la hiérarchie proposée a la tête en bas (les sources ne sont-elles pas alimentées par plusieurs émetteurs qui chacun ont rédigé quelques articles présentant divers contenus composés de multiples informations...), faire croire que ne consulter que des sources et des auteurs dûment estampillés serait une réponse valable à la problématique des fake news n'est juste pas sérieux. Pas plus, d'ailleurs, que l'idée d'explorer toujours plus de sources.
Bien sûr, ces pratiques ont des vertus. Consulter des sources qualifiées facilite le travail et en augmente la qualité. Surveiller davantage de sources peut mener à plus d'information. Mais en règle générale, cela ne change pas grand chose à l'affaire. Rappelons-nous! Lorsque la presse et d'autres "observateurs", plus ou moins fiables, nous rapportaient que le ministre Castaner (source à priori de qualité) s'indignait de ce que des gilets jaunes ont attaqué un hôpital, nous n'étions pas devant une "information vraie". Du reste, l'information n'était pas "l'attaque de l'hôpital par les gilets jaunes" (au mieux, c'était une grosse bêtise) mais c'était que Castaner était acteur d'une action de désinformation. Dans ce cas, la véritable information était non verbalisée et n'aurait sans doute jamais été arrêtée par aucun algorithme. Dans le même esprit, on accepte tous l'idée que "Johnny Hallyday est mort" est une information. Par contre, c'est moins sûr pour l'affirmation "Johnny Hallyday est vivant". Sauf que, il y a quelque temps, c'était plutôt l'inverse...
Le nœud du problème me semble résider dans la définition de l'information. Plutôt dans l'absence de définition du concept. Il est clair que la définition technique de Shannon ne convient pas ici. Le dossier auquel je fais référence en début de billet a la bonne idée de nous proposer un glossaire qui commence par la définition de la fausse information (diffusion d'information fausse, sans volonté de nuire), celle de la désinformation (diffusion délibérée d'une information fausse dans l'intention de nuire) ainsi que celle de l'information malveillante (diffusion d'une information vraie dans le but de nuire). Mais on cherche en vain la définition de l'information... Cette absence mène aussi à une grande confusion qui nous amène à considérer presque sans distinction information, document, article, auteur, source...
Alors, une information c'est quoi? Ce qu'on lit dans le journal? une dépêche d'agence? une idée échangée? le point de départ d'un (bad) buzz? une prise de position (publique)?... Pour ma part, je considère comme information
un fait porté à la connaissance du public, ce qui me facilite grandement la vie (
https://tinyurl.com/yxcasvxk)
. Un fait existe et est unique, peu importe le nombre et la qualité auteurs, documents, sources... qui en font mention. Pour moi, l'information est alors toujours vraie. Et mon travail consiste à identifier, qualifier et nommer tout ce qui n'est pas fait avéré (mensonge, erreur factuelle, analyse bonne ou mauvaise, tentative de manipulation, glissement sémantique...) Comme on peut le lire dans le dossier, si pendant longtemps la veille et la recherche d'information se focalisaient principalement sur l'évaluation des sources et que l'évaluation du contenu reposait essentiellement sur un croisement de différentes sources et données, il est aujourd'hui de plus en plus fréquent de devoir aller vérifier soi-même la véracité d'une information, d'une image ou encore d'une vidéo. En d'autres termes, le fact checking est de la responsabilité de celui qui cherche...
En conclusion, la réponse aux
fake news ne peut pas être technologique. Elle se trouve dans une définition de ce dont on parle, l'éducation et la rigueur (professionnelle). Le phénomène et l'importance des
fake news s'estomperont lorsque chacun comprendra la nature des messages qui lui sont adressés et que les décisions individuelles d'y prêter attention ou d'y faire écho seront motivées. Ceux qui n'en seraient pas encore convaincus pourraient lire le récent article "Les riches enseignements de la non-affaire Woerth" de la Plume d'Aliocha (
https://tinyurl.com/yxdlsz9c). Les autres aussi, d'ailleurs...