Mon excellent confrère et ami Jérome Bondu s'est posé récemment une bonne question: "Les professionnels de l’IE font-ils vraiment de la veille, de l’influence et de la sécurité économique?" (https://tinyurl.com/y83z6a3n) Et il a mis dans sa quête de réponse l'ingéniosité et les compétences qui le caractérisent. Il a mis en réseau les compétences des principaux acteurs de l'intelligence économique, telles qu'elles sont déclarées dans LinkedIn. Je dis bravo à la démarche, qui montre que les 3 piliers de l'IE sont autant de silos (qui par ailleurs pré-existaient). Mais pourquoi ne suis-je pas surpris?
Soyons honnêtes, pommes, poires et pêches ne poussent pas sur le même arbre, quand bien même elles partagent la même initiale. L'exercice de Jérome Bondu n'explique rien. Il constate! C'est déjà appréciable. Il constate qu'effectivement il y a peu de choses en commun entre chercher, analyser et manipuler de l'information, sécuriser un système d'informations ou mettre en œuvre un plan d'actions visant à imposer des idées. Je suis dans le métier depuis de nombreuses années et j'ai sans doute quelque légitimité dans le domaine de la collecte et de l'analyse de l'information. Ayant été informaticien et ayant procédé à des audit de sécurité informatique, il y a longtemps, certes, j'ai un point de vue sur la question. Ayant suivi un cursus (MBA) orienté lobby, cet aspect ne m'est pas inconnu. Pour autant, je ne me lancerais dans aucune démarche plus ou moins ambitieuse en sécurité ou influence. Je mesure trop les spécificités de ces activités, de leurs méthodes et techniques (et à ce titre, si je devais apparaître dans la cartographie présentée par Jérome Bondu, je serais de ceux qui ne connectent pas les différentes pratiques). Par contre, je peux en parler et je n'hésiterais pas à les recommander. Je pense ne pas être le seul dans cette posture. Pour le coup, si je ne me considère pas comme un ensemblier (capable de tout faire) je me considère davantage comme un chef d’orchestre (capable de lancer et de coordonner des initiatives. Tout ceci pour dire que Jérome Bondu a raison d'évoquer la "vision synoptique de l’information, depuis la collecte, en passant par l’influence, jusqu’à sa protection, qui ne serait qu’une vue de l’esprit".
Je pense que le ver est dans le fruit depuis le début. Le rapport Martre a proposé une vision, somme toute très politique, de l'intelligence économique et l'envie (le besoin?) d'y rester collé nous pourrit la vie depuis lors. Oui, à un niveau macro économique (des états), il est nécessaires que les entreprises (les plus grandes, les plus stratégiques) maîtrisent l'information, la collectent, l'analysent, la protègent et qu'elles pèsent sur l'environnement pour qu'il soit favorable au territoire. Mais à un niveau micro économique, celui de la PME voire de la TPE, d'autres besoins, plus terre à terre, s'imposent. Et il est rare que ces dernières puissent (veuillent), en même temps, mener des actions de veille, de sécurisation et de lobby. Et par ailleurs, on peut aussi se demander si le fait de sécuriser des systèmes d'informations ou de faire du lobby est constitutif d'une démarche d'intelligence économique et si, finalement, cette vision politique de l'IE ne tente pas une appropriation illégitime de pratiques qui existent pou elles-mêmes.
Si je devais tirer une conclusion de l'exercice de Jérome Bondu, elle irait dans le sens de la valorisation de l'intelligence économique comme un état d'esprit qui poursuit le développement et la pérennisation de l'entreprise par une meilleure intégration du fait informationnel plus que dans celui de la somme de trois domaines de compétences étrangers l'un à l'autre. Elle irait dans le sens de l'abandon de la vision top-down de nos pratique pour favoriser une vision bottum-up...