Ces derniers jours, j'ai eu l'occasion de participer à deux conférences dédiées à l'intelligence économique/stratégique ce qui m'a permis de faire, plus que d'habitude, le point sur les évolutions de nos métiers. Un constat s'impose! La veille concurrentielle et les big data sont partout, à un tel point qu'on a parfois l'impression que le plaisir du buzz word, ou son potentiel économique, l'emporte sur toute autre considération.
Dans les échanges auxquels j'ai pu participer ou assister, le terme big data s'est invité chaque fois que s'est manifestée l'ambition de traiter et manipuler des volumes de données importantes (mais à quelle échelle?) Et la plupart du temps, ces ambitions étaient connectées à une envie d'exploration les agissements des internautes sur les réseaux sociaux. Il est vrai que les échanges entre internautes sur les réseaux sociaux véhiculent et laissent de très nombreuses traces. Qui a conscience, par exemple, que nos tweets, ces petits messages de 140 caractères, sont en fait enrobés dans une enveloppe qui véhicule pas moins de 31 catégories de métadonnées parmi lesquelles nos followers, no retweeters... (
http://tinyurl.com/okkfuub &
http://tinyurl.com/create.php). Les concepteurs de logiciels de veille et de monitoring des réseaux sociaux se sont donc, petit à petit, retrouvés face à un invraisemblable déluge de métadonnées (big data) et ils se sont attachés à les exploiter. Ils ont donc incorporés à leurs solutions des fonctionnalités de visualisation des volumétries (la bibliométrie de nos prédécesseurs). Certains vont même plus loin en analysant les messages eux-mêmes et en tentant d'en ressortir du sens.
Dans la foulée, ils accolent à leurs outils l'étiquette de veille concurrentielle. Pourquoi pas, ils permettent de jeter un oeil dans l'assiette du voisin. Le souci, me semble-t-il, est que l'internaute non averti est submergé de messages à caractère commercial faisant le lien entre veille concurrentielle et analyse des réseaux sociaux. Il finira par croire que les deux sont synonymes et qu'il n'y a pas de salut pour celui qui les nélige.
Je voudrais toutefois rappeler à qui veut l'entendre que la veille et l'analyse de la concurrence ne peut se résumer à une analyse "big data", fut-elle de premier ordre. En effet,
- les réseaux sociaux sont certes une caisse de résonnance, mais elle n'est pas la même pour tout le monde, il y a notamment des domaines dans lesquels les internautes ne s'expriment que peu
- il y a un risque de glissement d'objectifs, de passer d'une situation d'observateur (analyste) à celui d'acteur qui utilise les tableaux de bord proposés pour adapter ses pratiques et tenter de rattrapper/distancier la concurrence
- les réseaux sociaux sont le reflet des réactions de l'instant, beaucoup moins des intentions or la stratégie est plutôt une affaire d'intentions
- une bonne veille concurrentielle doit permettre l'anticipation alors que la surveillance des réseaux sociaux induit plutôt une posture réactive
En conclusion, je pense que les professionnels de l'intelligence économique auraient un grand intérêt à bien positionner et baliser leurs concepts et leurs outils. Et à éviter les glissements de sens et de concepts guidés par des considérations opportunistes, quand bien même les solutions proposées sont pertinentes. Rien ne vaut une bonne étiquette collée sur le bon produit.