Document ou information? Information ou document? Chou-vert ou vert-chou? Pas vraiment! Cette distinction, aussi triviale ou inutile qu'elle puisse paraître est néanmoins importante. Savoir que l'on cherche des documents plutôt que de l'information ou vice-versa conditionne en effet à la fois la posture de recherche (qu'est-ce que je cherche, comment) et celle de l'exploitation de ce que je trouve (ce que je conserve, ce que je partage, comment). La réalité est que nombreux sont les professionnels que je côtoie qui déclarent chercher de l'information alors que dans les faits, ils restent principalement attirés par les documents.
Pour beaucoup, document et information sont des quasi-synonymes. Cette confusion est entretenue par la difficulté à définir et hiérarchiser précisément certains concepts de base de notre activité: document, information, connaissance, savoir, donnée, fichier, base de données, base documentaire... L'information est, me semble-t-il, particulièrement difficile à définir et après de nombreux talonnement, je me suis arrêté sur la définition suivante:
fait porté à la connaissance du public. Elle n'est pas parfaite, j'en conviens, mais elle fonctionne bien dans un contexte d'intelligence stratégique. Dans la foulée, je définis le document comme une ou plusieurs informations sur un support (physique) avec une certaine mise en page. Par exemple, un accident de la circulation à tel carrefour, tel jour à telle heure avec ou pas des blessés est une information. Tous les articles, billets, mémoires... qui en parlent sont des documents.
De-là découlent une série de constats qui devraient influencer notre posture de chercheur:
- l'information est informelle et intangible alors que le document a une réalité physique
- un document peut porter de nombreuses informations
- une information peut être portée par de nombreux documents
- le document est le résultat d'une explicitation alors que l'information peut rester tacite
- le monde du document est celui des moteurs de recherche généralistes (Google et autres)
- l'information est partout, dans les documents, dans l'abondance et la pénurie, dans l'observation, dans la causalité, dans l'analyse...
Les documentalistes, c'est dans leur nom, ont une culture du document. C'est la raison pour laquelle ils ont une grande propension à chercher des documents. Ils manipulent les méta-informations et construisent leurs requêtes, des équations de mots-clés, pour trouver les documents les plus pertinents, comme s'ils cherchaient dans leur bases documentaires. Et qu'une information soit présente dans plusieurs documents ne les émeut pas particulièrement, pour autant que les documents soient différents et néanmoins pertinents. Ils rassemblent les documents sélectionnés en dossiers qu'ils transmettent à leurs donneurs d'ordres. Parfois, ils en font une synthèse.
Ceux qui s'intéressent à l'information sont plus libres dans leurs méthodes d'accès aux informations et recueillent des faits, indépendamment des supports et des moyens mis en œuvre pour les trouver (lecture d'un document, observation et analyse d'une situation...) Idéalement, ils essaient de qualifier les informations sélectionnées (vrai, faux, incertain... c'est aussi de l'information). Et lorsqu'ils ont sélectionné une information, ils la capturent et s'en désintéressent (il n'y a pas d'intérêt à collecter deux fois la même information). Cette posture est inconfortable car il faut élaguer les opinions et les récits pour ne retenir que l'information brute et lui donner une nouvelle forme. D'autant que le bon chercheur n'hésitera pas à se mouiller en identifiant/produisant des informations tacites. Les (bons) outils pour gérer les informations, les collecter et les organiser, ne sont pas légion. A ce jour, le meilleur que je connaisse reste la carte mentale (mind map). En bout de course, la carte peut être transmise, ainsi qu'une possible synthèse.
Le travail du chercheur d'information peut sembler plus lourd que celui du documentaliste. Il est assurément différent et je constate chez de nombreux documentaliste une grande difficulté à aller au-delà du concept du document. Pourtant, l'expérience montre que l'extraction d'information prend moins de temps que l'examen de la pertinence d'un document et que la gestion des informations est moins lourde que celle des documents. Les utilisateurs, quant à eux, quant ils ont goûté à une carte mentale riche en informations, en redemandent. Ils comprennent vite l'intérêt de l'accès direct aux informations, sans devoir reparcourir de nombreux documents sans trop savoir où se trouve l'information qui les intéresse. On pourrait conclure que les dossiers documentaires sont surtout appréciés dans une démarche d'études, d'acquisition de savoirs et de connaissances, alors que les recueils organisés d'informations sont utiles dans des contextes pragmatiques d'analyses de situations en vue de prises de décisions.
La recherche d'information ne répond pas aux mêmes méthodes et stratégies que la recherche de documents, mais de cela, je vous en parlerai dans un prochain billet...
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Chercher n'est pas trouver - outils, méthodes et stratégies à l'usage de ceux pour qui l'information compte" (
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