Quoique l'intensité de l'activité autour des coursiers puisse laisser penser, ou en tous cas celle visible sur le Web, et sa ressemblance d'avec une stratégie d'acquisition de nouveaux clients, les coursiers ne sont pas des clients pour Take-Eat-Easy. Par contre, ce sont bien des facteurs de production (excusez le terme), des fournisseurs, des sous-traitants. Les coursiers sont un "centre de coûts" nécessaire à la réalisation du produit (et ne génèrent aucune captation directe de revenu). Ce constat ne doit toutefois pas nous empêcher d'analyser la stratégie de TEE d'acquisition et de gestion des équipes de coursiers, en d'autres termes, le modèle d'affaires dans lequel les coursiers prennent la place du client.
Dans cette optique, la proposition de valeur adressée aux coursiers s'exprime de manière visible en flexibilité de génération d'un revenu d'appoint et la participation collective à une aventure dans le vent (esprit start-up, green washing...). Entre les lignes, le modèle est un peu moins brillant. Un objectif de revenu de 15 eur bruts de l'heure, qui ressemble surtout à un maximum de revenu possible (qui varie en fonction des villes et pays) pour un peu de vélo et beaucoup d'attente (2 livraisons de l'heure, chacune d'un max de 8 min) qui ne sera sans doute atteint que par les plus performants (disponibilité, rapidité brute...). Et un statut d'indépendant (auto-entrepreneur). Cette proposition de valeur est adressée surtout à des jeunes sportifs (cyclistes) et touche principalement des idéalistes en recherche d'une autre voie de développement personnel ou en quête de revenus complémentaires. A la réflexion, si on comprend bien l'intérêt de cette proposition de valeur pour TEE, on peut s'interroger sur la bonne compréhension, par ces coursiers, des enjeux de cette proposition. Soyons de bons comptes, la rémunération maximale possible n'est pas bien grasse. D'autant qu'elle est brute, c'est-à-dire TVAC, avant charges sociales, impôts et frais divers et qu'elle n'inclut pas les temps de travail non productifs (administration, formation...). Dans cette démarche, Take-Eat-Easy semble surtout chercher à disposer d'une" force de livraison", légèrement sur-abondante qui lui permette de satisfaire les promesses faites aux clients et aux restaurateurs dune livraison rapide (arguments majeurs qui leur sont présentés pour les convaincre).
Parmi les canaux utilisés, les quelques informations glanées sur le net nous permet d'identifier le site Web (canal majeur) ainsi que le bouche à oreilles amplifié par la presse et l'activité des coursiers sur les réseaux sociaux. Ces canaux permettent à TEE d’établir une relation avec les coursiers qui se caractérise par une démarche à la fois d’acquisition (recrutement) et de conservation qui passe par de la séduction et de la création et de l'animation de communauté (mise à disposition d'équipements logotés, organisation régulière d'événements festifs...). On peut aussi noter, même si les responsables de TEE s'en défendent pour des raisons évidentes de lois sociales, l'existence d'une dépendance hiérarchique plus ou moins formelle et une liberté quelque peu bridée (obligation de livrer à vélo...)
Pour Take-Eat-Easy, les activités clés relatives aux coursiers concernent le recrutement et la gestion et l'animation des communautés, qui passent par la maintenance du site Web (partie coursiers) qui semble être la principale ressource clé. Les principaux coûts associés semblent être liés à la mise à disposition d'équipements (GSM, vestes et autres) ainsi que ceux consécutifs à l'animation et la gestion des communautés. En matière de partenaires, on peut probablement noter les associations de coursiers-cyclistes qui semblent jouer un rôle de prescripteurs et les autres start-ups développant des modèles d'affaires de la même veine, qui partagent un même besoin de personnel/collaborateurs bon marché et flexibles.
Au bout du compte, le bénéfice de ce modèle d'affaires, pour TEE réside dans la constitution d'équipes de coursiers, et de réserves opérationnelles, qui permettent à l'entreprise d'assurer les livraisons nécessaires et aussi de d'envisager le développement du business (clients et restaurateurs) hors de la contrainte logistique. D'ailleurs, à en juger la communication autour des coursiers, en comparaison de celles à destination des autre parties prenantes, les coursiers sont clairement le groupe qui reçoit la plus grande attention et qui apparaît comme le plus stratégique.
Les épisodes précédents: