Dans le premier épisode de l'analyse du modèle d'affaires de Take Eat Easy (TEE), j'étais parti de la (contre-)performance financière de l'entreprise, ce qui m'a amené à découvrir certains mécanismes et activités qui relèvent principalement du back office. Dans cet épisode, je vais partir de la promesse faite aux clients et de la manière dont TEE se définit, en exploitant principalement ce qui reste accessible du site web.
La première accroche du site nous l'affirme fièrement: "Les meilleurs restaurants livrés chez vous" (http://www.takeeateasy.be/fr/). Dont acte! Toutefois, ne nous laissons pas berner, il s'agit ici d'une déclaration (un rêve) éminement marketing qui enjolive la réalité. Pour autant que je puisse juger, la réalité montre surtout des restaurants et des snacks pas trop mauvais (avec tout le respect que j'ai pour ces restaurateurs) que les "commerciaux" de Take Eat Easy ont pu convaincre. On peut donc imaginer une première proposition de valeur (ou service, c'est encore confus à ce stade) qui serait "des bons repas (goût et qualité) préparés par des restaurants de quartier, où que vous soyez". On remarquera au passage que l'uniformation des visuels (photos de plats) et de leur traitement gomme les différences et les signes extérieurs de (non) qualité.
Ce slogan s'adresse aux clients qui, on peut le supposer, ressemblent aux fondateurs (ils ont voulu répondre à une de leurs attentes non satisfaites): des jeunes de la classe moyenne supérieure appréciant la bonne chère (et les restaurants?). La lecture des commentaires des clients, notamment les réactions aux billets des fondateurs sur le site Medium, nous dévoile certains aspects de la personnalité des clients effectifs. Il y a beaucoup de jeunes parents qui ne peuvent (ou ne veulent) pas laisser leur(s) enfant(s) et de jeunes professionnels qui travaillent tard en soirée.
La façon dont TEE se définit elle-même, sur son site, est également intéressante. Les FAQ le déclarent sans embages que "Take Eat Easy is a website powered by a recommendation engine that visually inspires busy foodies to order dishes online" (http://www.takeeateasy.be/fr/faq). De côté, l'histoire qui nous est racontée (la légende de l'aventure) nous apprend que "...Take Eat Easy est une start-up foodie et technologique, faisant le lien entre les restaurants les plus demandés, des coursiers passionnés, et des clients désireux de se faire livrer des repas de qualité" (http://www.takeeateasy.be/fr/about). Enfin, les coursiers ont droit à un autre pitch: "En sélectionnant uniquement les meilleurs restaurants, et en optimisant constamment nos algorithmes de dispatching, Take Eat Easy permet à n'importe qui de se faire livrer les meilleurs plats de la ville, le plus rapidement possible" (http://www.takeeateasy.be/fr/devenir-coursier). A la lecture de ces présentations, on ne peut qu'être étonné de la variété des points de vue, de la hiérarchie entre les parties prenantes, qui semble aléatoire, de la faible présence du client final et de la prédominance de la composante "technologique". Ces définitions nous disent néanmoins que la vitesse de livraison est une des valeurs prédominantes.
Le site Web s'impose comme le canal de communication prioritaire avec les parties prenantes (clients, coursiers, restaurateurs). La promesse faite aux clients que la livraison sera "verte" et uniquement réalisée par des cyclistes sportifs (pas de vélos électriques), ainsi que les conditions imposées aux coursiers, nous montre que ces derniers sont aussi un canal de communication. Et même si les quelques rares traces que j'ai jusqu'à présent exploitées ne le montrent pas de manière évidente, il est fort probable que la presse (au sens large - on- et off-line) et le bouche à oreilles, dans leur attention au phénomène des start-ups, sont également un canal de communication.
En termes de relations avec les clients, on peut noter une invitation lancée aux clients d'adhérer aux valeurs portées par Take Eat Easy. Celles qui se dégagent à ce stade sont l'esprit d'entreprise et de start-up et la culture du "ce que je veux c'est possible, tout de suite". On imagine aussi que l'entreprise est dans une dynamique d'acquisition de clients, mais je n'ai pas encore trouvé d'indices à ce sujet. Enfin, au-delà de la communication "corporate" et commerciale, TEE propose à ses clients une communication centralisée, de type 1 à beaucoup (1 to m), même si le "1" est surtout un rôle et pas une personne.
J'ai également noté des différences significatives de traitement entre les différentes parties prenantes du projet (clients, coursiers et restaurateurs), réellement porteuses de sens. J'y reviendrai dans de prochains épisodes, mais je peux déjà lever le voile sur quelques constats. Les priorités de TEE se focalisent sur les coursiers, puis sur les clients et semblent délaisser les restaurateurs, quand bien même ce sont les plus grands contributeurs au cash-flow...
Enfin, le sentiment qui prédomine jusqu'ici, et qui n'a pas sa place sur le modèle d'affaires, est que l'entreprise Take Eat Easy est une entreprise plus intéressée par le développement et la mise en place de son "outil de production" plutôt que par le développement du marché et de la clientèle. Mais je reviendrai également sur cet aspect.
Les épisodes précédents: