Ce n'est pas un scoop de dire que lobbying a mauvaise presse dans nos contrées. On peut le comprendre, sa réputation repose principalement sur des actions de grande envergure, partisanes, régulièrement occultes, menées par des acteurs économiques puissants qui défendent surtout leurs prés carrés, et leurs "petits" bénéfices au détriment du bien commun. Le lobby est ainsi perçu comme un moyen pour l'argent sale de renforcer ou de s'arroger des avantages indus. Pourtant, parmi ceux qui s'offusquent de cette situation, nombreux sont ceux qui regrettent également les décisions décalées qui ne tiennent pas compte des réalités de chacun et plus particulièrement des leurs. Certes, il est possible que certaines de ces décisions soient influencées par des actions pendables menées par l'un ou l'autre, mais n'est-il pas aussi probable qu'elles soient le fruit d'un déséquilibre informationnel?
Les hommes politiques sont de plus en plus souvent des généralistes qui n'ont que peu d'ancrages dans les réalités opérationnelles, qu'elles soient celles des entreprises ou des autres organisations. Et comme ils défendent plein de sujets (d'intérêts) différents, on ne peut attendre d'eux qu'ils soient naturellement au fait de chacun des dossiers sur lesquels ils doivent prendre position. Les lobbyistes l'ont bien compris. Comme les politiciens ne viennent pas à l'information, ils s'organisent pour que l'information aille aux politiciens. Et si les autres parties prenantes aux dossiers ne réagissent pas (ne mènent pas d'actions de lobby), il en résulte inévitablement un déséquilibre informationnel qui profite souvent aux parties les plus actives, quelle que soient les légitimités respectives. Nos démocraties sont basées une logique de co-construction, et ceux qui n'y participent ne doivent pas s'étonner que ce qui est construit ne ressemble pas à leurs rêves.
Bien sûr, lorsqu'on rêve de porter sa voix au niveau européen, la montagne semble insurmontable à la petite organisation. Néanmoins, le petit poucet peut se faire entendre et David a toujours des chances de terrasser Goliath. De nombreux exemples sont là pour en témoigner, comme le montre l'action menée il y a quelques années par une PME française pour imposer des éthylotests dans les voitures (Le lobby des PME, cela existe et peut rapporter gros -
http://tinyurl.com/bvlxubm et Ethyloytest, certains ont la gueule de bois -
http://tinyurl.com/cnmpj8k).
Dans un esprit de rendre à lobbying certaines de ses lettres de noblesses, et d'inciter nos entreprises à y faire apple plus régulièrement, la Fondation pour l'innovation Politique vient de consacrer une brochure à la question (Le Lobbying, outil démocratique - Anthony Escurat - février 2016 -
http://tinyurl.com/zfmn3kg). Le lecteur y découvrira une analyse intéressante des origines du phénomène ainsi que des freins culturels (ou de leur absence) qui expliquent les comportements actuels des différentes nations.
Anthony Escurat : Le lobbying : outil démocratique