Qui, aujourd’hui, passe une journée sans faire la moindre recherche
sur internet via un moteur de recherche? Depuis quelques temps, la
notion de sérendipité fait son chemin dans l’univers du web 2.0. En
fait, nous pratiquons tous – certains sans le savoir – la sérendipité…
mais peut-être pas de la manière la plus optimale. Car si d’aucuns
l’envisage comme l’art de trouver de façon hasardeuse et chanceuse ce
que l’on ne cherche pas, Pierre-yves Debliquy entrevoit plutôt la
sérendipité comme «la capacité à rester à l’écoute de son
environnement, à regarder et à traiter les informations de manière
décomplexée en fonction des questions qui se posent». Parce
qu’organiser la sérendipité est essentiel pour tout qui entreprend des
recherches sur le net, nous avons rencontré Pierre-Yves Debliquy,
Conseiller en Intelligence Stratégique à la SPI, qui a aussi écrit le
livre «Chercher n’est pas trouver».
Trouver des informations sur Google c’est plutôt une chose facile, non?
Alors que quotidiennement tout le monde cherche des informations avec
Google, et s’en trouve satisfait, j’aurais quelques scrupules à
déclarer qu’il s’agit d’une activité difficile. Mais il apparaît
néanmoins que la plupart des questions posées à Google sont simples et
appellent des réponses non équivoques (un nom, un prix, une adresse, une
définition, un événement…) Lorsqu’on se montre plus ambitieux, et que
l’on souhaite répondre à des questions complexes, l’affaire se corse.
Par question complexe, j’entends des questions dont les réponses ne sont
pas disponibles telles quelles et qui doivent donc être construites à
partir de plusieurs (éléments de) informations. On pourrait citer à
titre d’exemple la stratégie d’une entreprise ou d’une organisation, une
étude de marché, un exercice de prospective, un état de l’art… Si, pour
répondre à des questions simples, il est pertinent de soumettre des
requêtes complexes à son moteur de recherche favori, pour répondre à des
questions complexes, il vaut mieux travailler à partir de requêtes
simples. La différence se marque alors dans la posture face à la liste
de résultats. Pour les questions simples, on travaille à obtenir la
réponse dans les tous premiers résultats de Google. Pour les questions
complexes, on va plutôt dépouiller les résultats à la recherche
d’éléments d’information que l’on va reconnaître comme intéressants (ce
dépouillement pourrait nous amener à examiner les propositions de Google
bien au-delà du centième résultat…)
En fait, formuler la réponse à une question complexe est plus une
affaire d’analyse et de synthèse que de capacité technique à utiliser un
moteur de recherche. Les méthodes et outils d’analyse et de synthèse
sont le sujet principal de ce livre.
On parle beaucoup de la notion de sérendipité. Pouvez-vous nous dire de quoi il s’agit?
La sérendipité (serendipity, en anglais) est souvent présentée comme
le fait de découvrir par hasard (hasard heureux). Depuis quelques
années, le mot est de plus en plus présent dans les conversations et les
écrits, à tel point qu’il est régulièrement présenté comme un
néologisme. Pourtant, il a été forgé à la fin du XVIIIème siècle pour
nommer la capacité des trois princes de Sarendip à déduire des
informations sur base d’indices collectés de manière fortuite. La
lecture des premières pages du conte "Voyages et aventures des trois princes de Sarendip",
que je vous recommande, permet de comprendre que, loin du hasard
heureux, la sérendipité est surtout la capacité à rester à l’écoute de
son environnement, à regarder et à traiter les informations de manière
décomplexée en fonction des questions qui se posent.
Quel est le public-cible de votre livre «Chercher n’est pas trouver»? Que peut-il apporter aux lecteurs?
J’ai rédigé ce livre en pensant plus particulièrement aux dirigeants
de PME et aux autres professionnels. Ceux pour qui une bonne information
contribue notablement au succès de leurs projets. Ils ont souvent des
bonnes questions, mais peinent à y apporter les bonnes réponses. Soit
qu’elles soient trop chères, trop lentes, trop complexes… J’ai donc
souhaité partager avec eux les méthodes, outils et techniques pour
extraire, structurer et analyser rapidement les informations
disponibles, que j’ai eu l’occasion de développer et de pratiquer depuis
près de 20 ans que j’utilise le Web pour trouver de l’information,
m’informer et apprendre. Mais il est clair que ce livre peut intéresser
un public plus large, composé de tous ceux qui doivent aussi trouver des
informations, s’informer et apprendre, mais dans d’autres buts. Les
étudiants, à tous niveaux, les chercheurs, les journalistes… sont de
ceux-là.
Ce livre n’est pas un nouveau manuel d’utilisation de Google. Son
objectif n’est pas de faire du lecteur des techniciens de la recherche.
Il s’agit plutôt de rendre la recherche naturelle et de se focaliser sur
les outils et méthodes d’analyse. Ainsi, une première partie du livre
donne des clés de compréhension du fonctionnement du Web et des outils
de recherche qui permettent de comprendre pourquoi, lorsqu’on arrête de
poser des questions pour commencer à donner les réponses, on devient
beaucoup plus efficient. Une deuxième partie du livre est consacrée à la
centralisation et l’organisation des informations collectées. La
proposition que je fais est basée sur l’utilisation de cartes mentales
(mind maps). J’explique donc les spécificités de ces cartes mentales,
notamment en termes de lisibilité et de maniabilité. Le but est de
rendre le fruit du travail de collecte d’informations rapidement et
efficacement accessible aux décideurs. Enfin, la dernière partie est une
introduction à l’utilisation d’outils de management qui se révèlent
d’excellents cadres d’analyse qui apportent des réponses aux questions
complexes.
Somme toute, ce livre est une invitation à objectiver et organiser la
sérendipité nécessaire à tous ceux qui cherchent des réponses.
Chercher n’est pas trouver
Outils, méthodes et stratégies à l’usage
de tous ceux pour qui l’information compte
Edi-pro – mars 2015
ISBN : 978-2-87496-244-8
Cet article a été initialement publié sur le blog d'Edipro.